De santé fragile (pathologie hémorroïdaire
De santé fragile (pathologie hémorroïdaire notamment), Yôan s’intéressa aussi à la nature des eaux des sources thermales du Japon qu’il étudia seize années durant. C’est dès le mois de mars 1828, à l’âge de 31 ans, qu’il se livra à sa première étude scientifique sous l’injonction de son père Genshin qu’il accompagnait en cure à Atami (préfecture de Shizuoka). Ce dernier, de retour des eaux voisines de Shuzenji où il s’était entre-temps rendu, fut grandement impressionné par le résultat des observations de Yôan et l’encouragea à poursuivre ses recherches. Par la suite, ses collègues des études occidentales, auxquels Yôan avait montré son travail, lui envoyèrent occasionnellement des échantillons de différentes provenances : Arima, Iôjima, Suwa (un envoi de son ami TSUBOI Shindô 坪井信道 en 1830), mais aussi Maga, Yubara, Yunogô (pour ces trois dernières villes en 1829, alors qu’il se trouvait à Edo), etc. [cf. infra]. Yôan visita pour sa part une trentaine de sources thermales entre 1827 et 1843.
Deux traités (1828-1841) font ainsi de Yôan un pionnier en la matière.
1- Onsen kiji『温泉記事』ou Yôan zakki『榕庵雑記』, un recueil de 33 feuillets (de dix lignes verticales) concernant 36 stations thermales du Japon, et un livret de 36 feuillets, Shokoku onsen shisetsu『諸国温泉試説』, qui en est la suite. Yôan y traite de la couleur, de l’odeur, du goût, de la densité (mesurée à l’aide d’un hydromètre) et de la composition chimique de ces eaux thermales, puis, par l’emploi de différents réactifs, il en définit la nature qu’il classe selon quatre catégories (basique, saline, souffrée et ferrugineuse) pour les associer à des traitements thérapeutiques. * Mis au courant des recherches de Yôan, un de ses parents éloignés, KOMURA Eian 小村英菴, médecin à Nagaoka 長岡 (préfecture de Niigata 新潟), entreprit lui aussi d’analyser les eaux thermales de sa région (Echigo 越後). Ancien disciple de Yôan, qui l’avait initié à la chimie et par la suite conseillé à plusieurs reprises sur la méthode d’analyse des eaux thermales, KOMURA lui envoya le résultat de ses propres recherches sous la forme d’un rapport de 47 feuillets, le Eian kôsen gojûsan sen『英菴鉱泉五十三泉』. Il est donc possible que pour ses travaux personnels Yôan ait utilisé les données recueillies par Eian. D’autre part KOMURA est l’auteur d’un ouvrage, Echiho yakusen『越後薬泉』paru en 1830, où 53 - ou 52 - sources de toute la région d’Echigo sont étudiées et classées selon la nature (acidité et basicité, ferrugineuse, riche en alun, etc.) et la température de leurs eaux : reisen 冷泉 et reionsen 冷温泉 (de 20 à 25 degrés), nuruyu 微温泉 (de 25 à 34 degrés), onsen 温泉 (de 34 à 42 degrés), nessen 熱泉 et gokunessen 極熱泉 (de 42 degrés à ... beaucoup plus !). |
La liste des stations thermales visitées ou étudiées par Yôan, du Nord au Sud du Japon, s’établit comme suit :
préfectures「--県」 |
dates [ … / ? ] : stations thermales 「---温泉」 |
Hokkaidô 北海道 |
1842 : Gûnai 宮内 |
Iwate 岩手 |
1828, 1841 : Ôshû In no yu 奥州陰ノ湯、On’yu 温湯 |
? : Amihari 網張、Kunimi 国見、Matsukawa 松川 |
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Miyagi 宮城
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1829 : Ariga 有賀 |
1831 : Naruko 鳴子 (nessen 熱泉 et reisen 冷泉)、 Kawatabi 河度 |
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1841 : Kamasaki 鎌崎(鎌先) |
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Yamagata 山形 |
1830 (1831 ?) : Goshiki 五色 |
1831 : Akayu 赤湯 |
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? : Inoshimayu 猪ノ島湯 |
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Fukushima 福島
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1828, 1831 : Nihonmatsu 二本松 (takeyama嶽山) 1830 (1831?) : Nihonmatsu 二本松 [nishinoyu西ノ湯、 naka (no) yu中(ノ)湯、higashi (no) yu 東(ノ)湯] |
1829 : Matsutakesan 松嶽山 |
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? : Shinobu 信夫、Takayu 高湯 |
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Ishikawa 石川 |
1832, 1834, 1841 : Yamanaka 山中 |
1832, 1841 : Yamashiro 山代 |
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Nagano 長野 |
1828, 1830 : Suwa 諏訪 |
1830 : Matsumoto 松本(Asama-onsen ? 浅間温泉) |
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1841 : Tsukamanoyu ツカマノ湯(筑摩湯)* |
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Gunma 群馬 |
1841 : Kusatsu (Takinoyu) 草津(タキノ湯) |
Kanagawa 神奈川 |
1829 : Yugahara 湯ケ原 |
1831 : Yugawara 湯河原 |
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Shizuoka 静岡 |
1828 - 29 - 30 - 31, 1842 : Atami 熱海、Shimoda下田 |
1828 (1829 ?) : Shuzenji 修繕寺、Yugashima 湯ケ島 |
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Mie 三重 |
1828 : Chigusa 千草 |
1828, 1841 : Komono 菰野 |
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Hyôgo 兵庫 |
1829 : Hitokura 一倉、Nashio 名塩 |
1831 : Arima 有馬 |
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Okayama 岡山 |
1829, 1831 : Maga 真賀、Yubara 湯原、Yunogô 湯ノ郷 |
1831 : Onbara 温原 |
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1841 : Yunogô 湯ノ郷 |
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Ôita 大分 |
1842 : Myôban 明礬、Imai 今井、Teruyu 照湯 (stations thermales de Beppu 別府) |
? : Moriryô 森領(Beppu 別府) |
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Kagoshima鹿児島 |
1831 : Iôjima 硫黄島 |
* Tsukamanoyu ツカマノ湯(筑摩湯): s’écrit aussi 束間の湯. Mais, sa localisation reste toujours imprécise : Asama onsen 浅間温泉 ou Utsukushigaharaonsen 美ヶ原温泉, deux stations thermales voisines, près de la ville de Matsumoto 松本 ...
Nous n’avons pu identifier la mention de「呂窪村島ノ湯」. On trouve par ailleurs :
stations thermales |
préfectures |
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Morokubomura 呂窪村島 |
Saitama 埼玉 |
Shizuoka 静岡 |
Gifu 岐阜 |
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Shima no yu 島ノ湯 |
Nagano 長野 |
Ishikawa 石川 |
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Kubomura 窪村 |
Toyama富山 |
Concernant le thermalisme, Yôan s’intéressera également aux eaux de sources occidentales et y consacrera un des trois volumes annexes de son Seimi kaisô『舎密開宗』, le :
2- Seimi kaisô gaihen hoyaku『舎密開宗外篇補訳』, traité manuscrit non daté présentant les stations thermales célèbres d’Occident (leur localisation, la nature de leurs eaux, etc.) qui s’inspire de deux autres de ses propres écrits sur le sujet, Seiyô kôsen-fu『西洋鉱泉譜』et Taisei kôsen『泰西鉱泉』; le premier dresse une liste de stations thermales classées selon l’ordre japonais i-ro-ha「イロハ」, le second selon l’ordre alphabétique A, B, C. On y relève un certain nombre de noms français. [cf. Tableau infra] . |
Noms français relevés dans leSeimi kaisô gaihen hoyaku『舎密開宗外篇補訳』
Notations de Yôan |
Lecture des notations de Yôan |
Noms français d’origine |
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alphabet |
katakana |
kanji (ateji) |
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蒙多獨尓山モントデヲル |
montodeworu |
Mont-Dore |
Vichÿ |
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Vichy |
Capucin |
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Capucin |
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カピュシン |
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kapyushin |
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ピュイ デー ドーメ |
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pyui dê dôme |
Puy-de-Dôme |
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ぺチット ピュイ デドーメ |
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pechitto pyui de dôme |
petit Puy-de-Dôme |
bagneres de Luchon |
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Bagnères-de- Luchon |
barêiges |
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Barèges |
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ビゴルレ |
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bigorure |
Bigorre |
Balaruc |
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Balaruc |
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ラングエドク |
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ranguedoku |
Languedoc |
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バクノレス |
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bakunoresu |
Bagnoles |
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ノルマンヂー |
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norumandjî |
Normandie |
Lamotte |
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Lamotte |
l’aiguille d’argentière |
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l’aiguille d’Argentière |
Contrexeville |
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Contrexéville |
plombiêres |
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Plombières |
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レミレモント |
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remiremonto |
Remiremont |
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ロッタリンゲン |
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rottaringen |
Lotharingen |
aix la Chapelle |
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Aix-la-Chapelle |
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ベルトルレット |
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berutoruretto |
BERTHOLLET |
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カッシニ デ テュリイ |
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kasshini de tyurii |
CASSINI de Thury |
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葛西尼 カスシニ |
kasushini |
CASSINI |
* Notes sur les noms français d’origine (dans l’ordre d’apparition du tableau) :
- Mont-Dore : station thermale située dans le département du Puy-de-Dôme, en Auvergne ; déjà connue des Celtes et des Romains.
- Vichy : station thermale située dans le département de l’Allier, en Auvergne ; déjà connue des Gaulois avant l’arrivée des Romains.
- Capucin : sommet (1 462 mètres) près du Mont-Dore en Auvergne.
- Puy-de-Dôme : volcan endormi (1 465 mètres ) du Massif-Central.
- Petit Puy-de-Dôme : volcan (1 267 mètres) faisant partie, comme le précédent, de la chaîne des Puys.
- Bagnères de Luchon : station thermale située dans le département de la Haute-Garonne, en région Midi-Pyrénées ; déjà connue des Romains.
- Barèges : station thermale située dans le département des Hautes-Pyrénées ; réputée depuis le XVIIesiècle.
- Bigorre : région historique du Sud-Ouest de la France, assimilée aujourd’hui aux Hautes-Pyrénées ; déjà connue des Romains pour l’abondance de ses eaux minérales.
- Balaruc : station thermale située dans le département de l’Hérault, en région Languedoc-Roussillon ; connue dès l’antiquité.
- Languedoc : territoire du sud de la France, faisant partie de l’Occitanie ; forme avec le Roussillon une région française, le Languedoc-Roussillon, dont la fusion avec la région Midi-Pyrénées devait donner naissance le premier janvier 2016 à la région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées (appellation provisoire).
- Bagnoles : station thermale située dans le département de l’Orne, en région Basse-Normandie ; déjà connue au Moyen Âge.
- Normandie : province historique française composée actuellement de la Basse-Normandie et de la Haute-Normandie, appelées prochainement à fusionner.
- Lamotte : connue des Romains pour ses sources d’eaux chaudes, s’agit-il de la Motte-Saint-Martin, commune française située dans le département de l’Isère, en région Rhônes-Alpes ?
- L’aiguille d’Argentière : sommet du massif du Mont-Blanc entre le département français de Haute-Savoie et le canton suisse du Valais.
- Contrexéville : station thermale située dans le département des Vosges, en région Lorraine ; réputée dès le XVesiècle pour les eaux de sa fontaine minérale.
- Plombières : station thermale située dans le département des Vosges, en région Lorraine ; déjà connue des Romains.
- Remiremont : commune située dans le département des Vosges, en région Lorraine.
- Lotharingen : nom hollandais pour la Lorraine.
- Aix-la-Chapelle : ville située dans le land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, en Allemagne ; déjà connue des Celtes et des Romains pour ses sources d’eaux chaudes.
- BERHOLLET : Claude Louis BERTHOLLET, médecin et chimiste français ; travaux sur la notion d’équilibre chimique et sur les lois des doubles décompositions, connues depuis sous le nom de lois de Berthollet et que Yoân note Berutoruretto-shi hô「ベルトルレット氏法」.
- CASSINI de Thury : César-François CASSINI, dit aussi CASSINI III ou CASSINI de Thury, astronome et cartographe français ; sa carte de France, carte de Cassini ou carte de l’Académie, est la première carte géométrique (générale et particulière) couvrant l’intégralité du royaume de France.
Le 25 février 1827, Yôan quitta Edo en direction de Nikkô 日光pour aller collecter des spécimens de plantes, en compagnie de : ITÔ Keisuke 伊藤圭介, OOSAKAYA Shirobee 大阪屋四郎兵衛 (FUJII Kansai 藤井咸斎), ITÔ Genboku 伊東玄朴, ADACHI Eiken 足立栄建 (UDAGAWA Gen’emon宇田川源右衛門,le frère cadet de Yôan). Le voyage dura 18 jours. En chemin, ITÔ Keisuke se sépara du groupe pour rentrer à Owari 尾張en passant par Haruna 榛名, Myôgi 妙義 (préfecture de Gunma 群馬) et Kiso 木曽 (préfecture de Nagano 長野), étapes au cours desquelles il récolta lui aussi des plantes médicinales.