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Rangaku
25 mai 2018

Esprit curieux et polyvalent, féru des nouveautés

  Esprit curieux et polyvalent, féru des nouveautés venues d’Europe, Yôan s’intéressa également à d’autres domaines que celui des sciences pures. 

  En 1821, par exemple, il recopie en couleurs, sur une feuille de papier de fabrication hollandaise, des cartes à jouer occidentales, qu’il découpe ensuite pour en faire un jeu complet de 52 cartes (en fait 53, le 4 de cœur est en double), les Oranda karuta『和蘭闘牌= オランダ・カルタ』. C’est le plus ancien jeu de cartes occidentales du Japon. [cf. infra, Les cartes à jouer hollandaises :『和蘭闘牌 = オランダ・カルタ]

  Une autre nouveauté intéressa Yôan : l’anamorphose. Il s’agit de la déformation réversible d’une image à l’aide d’un système optique, un miroir cylindrique ou conique, par exemple. Originaire de Chine, répandue à l’époque Ming (1368 à 1644), puis en Europe aux XVIIet XVIIIesiècles, cette technique, avant tout ludique, fut introduite au Japon par l’intermédiaire des Hollandais et reçut le nom de saya-e「鞘絵」; désigne le dessin ou la peinture et saya le fourreau d’un sabre qui, placé à l’endroit adéquat, restitue l’image non déformée sur sa surface laquée de noir brillant, faisant ainsi office de miroir (à l’époque d’un usage encore peu courant au Japon). Après la publication d’un premier ouvrage, le Kyochûzu『鏡中図』(1750), les saya-e connaîtront alors une certaine vogue (1789 - 1802). Yôan, dans l’un de ses carnets, Harikomichô『張込長』, où il notait ce qui retenait son attention, a recopié l’une de ces anamorphoses sans précision de date ni d’origine. Elle représente, une fois reconstituée, une courtisane de haut-rang, Oiran「花魁」(première fleur), et semble être la copie d’une saya-e célèbre : Fûryû saya-e Oiran 風流鞘絵「花魁」, œuvre du dessinateur d’estampes sur bois, illustrateur de livres et de journaux, UTAGAWA Yoshitora 歌川芳虎. Dans ce même carnet, on trouve aussi de la main de Yôan, une carte de l’île de Sakhaline (Karafuto en japonais「樺太」), ainsi que le dessin d’un canon et du logo de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, la Vereenigde Oost-indische Compagnie (VOC). Surmontant les initiales VOC, le A pour Amsterdam.

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Il faut noter aussi que Yôan était un peintre-dessinateur accompli. On connaît de lui :

1Ryûkyû ran shasei-zu『琉球蘭写生図』(date inconnue), une peinture sur rouleau (papier japonais), d’une orchidée rare de l’archipel Ryûkyû (Okinawa), titrée Nuumen lan, et annotée d’un texte en hollandais classique : Orchidée de Nuumen [actuellement Iriomote, une île d’Okinawa]. Cette plante indigène appartient à la famille des orchidées, elle pousse à Nuumen, une des régions de Ryûkyû, d’où elle a été rapportée à Yedo [Edo], et comme les jardins du daimyô [gouverneur féodal] en sont fournis, elle est précieuse [rare] et chère, elle se rencontre rarement dans nos jardins, mais j’en ai vu pour la première fois un mardi d’octobre de la treizième année de l’ère Bunka [1816] à Sgama [Sugamo] et elle a un pied de hauteur, deux pouces de largeur et une rangé de feuilles épaisses, mais qui poussent deux à deux liées l’une à l’autre, sa couleur est d’un vert foncé et très brillant [lustré]. Nous n’avons pas vu ces fleurs, mais selon les dires du jardinier elle porte des fleurs qui ressemblent à celle de l’orchidée. La racine est semblable à du bois, l’épaisseur est d’environ le doigt d’un enfant. Et elle reste vivante longtemps. Écrit par votre serviteur W.d. Jouan [Woedagawa] à Yedo (Edo).

2Orandakoku chizu『阿蘭陀国地図』(date inconnue). Comme son nom l’indique, il s’agit d’une carte des Pays-Bas, en couleurs sur papier, tracée de la main de Yôan. Les noms sont notés soit en katakana, pour les noms de villes notamment, soit en (kanji avec ou non une lecture en rubi) pour les noms de régions ou autres. On trouvera ainsi : ハルレム haruremu (Haarlem), レイデン reiden (Leiden), デルフト derufuto (Delft)], 南海 nankai (Zuider Zee, mer du Sud ou mer Méridionale), 佛里斯蘭土フリー  ス  ラン  ド furîsurando (Friesland, la province de Frise), etc.

3Kanton jûsankô-zu 『廣東十三行圖』(1844), une peinture sur rouleau (kakejiku), la vue du district de Canton, sur la rivière des Perles, connu sous le nom de the Thirteen Factories, enclave portuaire réservée aux maisons étrangères autorisées à commercer avec la Chine. On distingue de gauche à droite les drapeaux du Danemark, de l’Espagne, de la France, des États-Unis, de la Suède, de l’Angleterre et des Pays-Bas. Avec une annotation en hollandais de la main de Yôan et portant la signature de Wodagawa Joan, suivie d’une date : 1844. (cf. Note 1)

Hipokuratesu zô『ヒポクラテス像』(date inconnue, mais probablement des années 1830 et figurant dans le Harikomichô『張込長』précédemment cité), un portrait d’HIPPOCRATE. Ce portrait représentant le Père de la médecine (de profil droit) est une copie exécutée par Yôan d’après une gravure (1809) de John CHAPMAN (graveur anglais, donné pour actif entre 1792 et 1823, mais aussi selon une autre source entre 1787 et 1811). La partie gauche du tableau porte la signature en lettres d’or :「聖弟子宇榕拝描」.「聖弟子」= arya-sravakaShravaka (Śrāvakaen sanscrit ou Sāvaka en pali : “disciple, auditeur”) désigne un bouddhiste qui pratique à partir des enseignements d’un bouddha. Yôan veut sans doute signifier ici qu’il suit les enseignements de son maître HIPPOCRATE.「聖弟子宇榕拝描」(Shôdeshi u-yô-hai byô ?) pourrait donc se lire : Tableau du Maître respecté par son disciple UDAGAWA Yôan.

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Note 1Comptoirs commerciaux (environ de 1864 à 1858) et non pas manufactures,The Thirteen FactoriesLesTreize Factories (Comptoirs) de Canton, désignent au départ les quartiers étrangers situés en dehors des murs de la ville de Canton (Guanzhou 廣州), le long de la Rivière des Perles (Zhu Jiang 珠江), où les représentants des nations occidentales furent autorisés à résider en 1686. L’empereur Qianlong 乾隆 (dynastie Qing 清朝, qing chao, 1644 à 1912), en limita l’enceinte au seul port de Canton en 1757. 

Source d’inspiration pour les artistes chinois, il existe de très nombreux tableaux représentant la vue de ce district.

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  Sur les tableaux présentés ci-dessus, on remarquera (de gauche à droite) les drapeaux des nations danoise, espagnole, américaine, suédoise, anglaise et hollandaise ; celui de la France est absent.

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 Les couleurs de la France apparaissent pourtant sur d’autres vues du port de Canton qui, bien qu’elles ne soient pas toutes datées avec précision, peuvent néanmoins être situées dans le cours de l’histoire : avant et après la Révolution. En effet, les unes présentent le drapeau des Bourbons, les autres celui de la République.

 

-      couleurs des Bourbons :

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-      drapeau tricolore :

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Tingqua (Tin Qua) ou GUAN Lianchang關聯昌: issu d’un famille d’artistes, ce peintre chinois influencé par la peinture occidentale se spécialisa dans une production tournée vers l’exportation. Célèbre pour ses gouaches et ses aquarelles, il travaillait sur le port de Canton où il tenait commerce d’art. Tingua et Lam Qua étaient deux frères, la production de masse de leur atelier familial (repris par Lam Qua) est à l’origine de l’image de la Chine en Occident avant 1840.

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John THOMSON : photographe -exploreur, -de rue et -de portraits, écossais.

  Les artistes chinois étaient passés maîtres dans la production de peintures sous verre (ou peintures sur verre inversé), genre très élaboré aux coloris harmonieux et venu d’Occident. Peu encombrantes et sans doute moins coûteuses qu’une toile, ces œuvres connaissaient un grand succès parmi les capitaines et marins étrangers qui mouillaient à Canton. Sur le kakejiku de Yôan, figurent sept drapeaux dont celui de la France (entre ceux de l’Espagne et des États-Unis), mais curieusement l’ordre des couleurs est inversé (rouge-blanc-bleu). En haut à gauche de sa peinture, Yôan précise par une note en hollandais que le tableau original appartenait à un capitaine de navire hollandais, un certain Hendrik フォアーマン (VOERMAN ?), entré au port de Nagasaki en 1809. On sait d’autre part que le drapeau français fut retiré de l’enceinte des Treize Factories de Canton en 1803, puis replacé en 1832 après le retour de Macao du consul de France. L’original dont s’est servi Yôan pour en faire copie est sans doute l’une de ces peintures sous verre réalisée avant 1803. La grande similitude de composition avec celle attribuée à Lam Qua (datée de 1805 environ, sans drapeau français), est d’autre part troublante...

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Pour le portrait d'HIPPOCRATE par Yôan, voir ultérieurement : Les Portraits d'HIPPOCRATE

 

 

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